
Extrait 1 : Le rendez-vous du destin
Flûte ! Ces embouteillages, c’est la plaie ! La sortie des bureaux, ce n’est vraiment pas la bonne heure pour une balade urbaine. En même temps, répondre à un appel de l’association, ce n’est pas une balade mais une urgence. Le message de la bénévole était sans équivoque : « Pour Madame Tépira, c’est le deuxième contact avec nous, trois semaines après le premier. Elle est décidée, à présent, parce qu’il s’en est pris au petit. Il faut agir maintenant. Faites vite ! »
Encore une femme victime de violences conjugales, avec un jeune enfant, cette fois. J’ai rendez-vous dans le hall de la clinique du Morellon. Une bénévole que je ne connais pas accompagne les victimes. Angelina Lombardi, elle doit être nouvelle. Ce nom résonne pourtant en moi. Je me creuse les méninges depuis qu’elle m’a mentionné son nom mais pas moyen de remettre un visage ou même une circonstance. Peut-être l’ai-je rencontrée à une réunion de l’association ? Mais on me l’aurait présentée…
Ah ! Enfin, une place pour me garer et en plus dans la bonne rue. C’est mon soir de chance ! Ma mallette, ma veste, quelques mètres et me voilà dans la place. Un coup d’œil rapide et je repère, dans le fond, les trois personnes qui m’attendent. Facile : la plus âgée a des ecchymoses sur le visage, la seconde a mis un fanion de l’association bien en évidence et le troisième est un enfant de quatre/cinq ans, je dirais.
Visiblement, j’étais attendue : je suis repérée. Mon attention se focalise très vite sur la miss Lombardi qui semble passer par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Son visage diffuse pêle-mêle : de la stupeur, de la colère, du dégoût, un recul à peine dissimulé. Tout ça pour moi ? C’est trop d’honneur ! Elle se lève brusquement et, comme prise d’un vertige, elle se retient à son siège. Flûte, alors ! Il lui arrive quoi ? Alors que j’arrive devant leur table, elle relève son visage, à présent totalement fermé, et je note un ovale parfait, de charmantes lèvres à peine entrouvertes et un regard ! Tristesse, colère, reproches ? Je ne la connais pas et je me sens terriblement coupable !