
Extrait 1 : Réveil !
"Paris, Hôpital Saint-Louis, Chambre 105.
Tout est noir. Mes yeux sont lourds et refusent de s’ouvrir. Je ne peux pas bouger non plus. J’entends des bips réguliers. Je dois rêver. Le genre de rêve qui fait paniquer : engluée dans une panade noire, incapable de voir, d’entendre, de sentir, de bouger. Une panade qui s’infiltre par tous mes pores pour envahir mon cerveau. Mais j’entends les bips. J’essaie d’inspirer fortement. Ça marche pas. Je recommence en me concentrant. Un peu mieux. J’ai un peu de contrôle. Pas la peine de paniquer. Mes paupières me semblent de plus en plus lourdes. Je veux pas retourner dans ce rêve. Je veux pas.
*
Je perçois des voix. Je ne les comprends pas. Je ne les connais pas. Toujours cette fatigue. Je me focalise sur les mots :
— Il faut être patiente, Angelina. Jordan se réveille doucement. Peut-être qu’elle nous entend. Mais ça peut prendre encore quelques heures, voire quelques jours.
— Je comprends.
— Tu devrais rentrer chez toi et te reposer.
— Non, Valérie. Je veux être là le plus possible au cas où elle se réveillerait.
Tout redevient calme. Qui est cette Angelina ? J’aimerais bien me réveiller aussi et que quelqu’un soit là pour moi. C’est flippant ce noir. Reste zen. Angelina a une voix douce et apaisante. Je lutte encore contre le sommeil. Je veux en savoir plus. Mes oreilles sont mon seul lien vers l’extérieur. Je sens des douleurs diffuses partout. Essaie de bouger. Encore. Ça marche toujours pas. Je sais que je ne vais pas résister davantage à la fatigue. À quoi ressemble Angelina ? Et si son amie Jordan se réveille avant moi ? Et si elle ne revient plus…
*
J’ai soif. Je sais toujours pas où je suis. Enfin... Des bips, ça veut dire hôpital, non ? Mes paupières semblent moins lourdes mais j’hésite à les ouvrir, à vrai dire. Que vais-je découvrir ? Je sens... quelque chose qui bouge sur... ma main, je crois. C’est agréable. J’ai pas envie que ça s’arrête. Un peu de lumière filtre par mes paupières. Aïe ! Ça, c’est douloureux. J’ai l’impression de regarder le soleil en face. Une nouvelle douleur s’impose de mes yeux à mes tempes. Un étau se resserre autour de ma tête. Je scelle à nouveau mes paupières et la douleur reflue lentement. J’essaie de respirer profondément mais là aussi, mon torse me renvoie des sensations désagréables. Finalement, dormir c’est bien, non ? Plus de caresses sur ma main. Quelque chose se rapproche de moi. Ne pas paniquer. Ne pas bouger.
— Jordan ?
Je connais cette voix. Je me rappelle pas mais je connais. Une voix douce. La voix d’un ange... Je suis au paradis ? En enfer ? Ah, non ! Y’a pas d’anges en enfer. Enfin, je crois.
Je tente à nouveau de prendre connaissance de mon environnement. Ma vision est trouble. Sur ma gauche, il y a quelque chose. Je tourne légèrement la tête. Un visage, il me semble. Angelina, peut-être ? Mes yeux s’accommodent à la lumière, lentement. Entre deux clignements, je distingue des cheveux courts, bruns. Un visage pâle, des lèvres rosées, fines, un nez fin et droit. Des yeux d’un bleu pur et éclatant.
— Jordan, ne bouge pas. Je vais chercher un médecin.
Bouger ? La bonne blague... Médecin donc hôpital, c’est sûr. Oh ! Jordan ? C’est mon nom ? Je me rappelle pas. Je me rappelle pas mon nom ! Ça craint.
Un mec soulève mes paupières et me met de la lumière en pleine face. Je suis toujours impuissante à bouger, à parler. Au prix d’un effort surhumain, je soulève mes doigts du drap. Une main douce et chaude se plaque dessus, anéantissant tout effort.
— Tout va bien, Jordan. Reste calme.
Elle est bien gentille, la demoiselle, mais bon... j’ai toujours soif. Je parviens à articuler péniblement :
— Soif.
Je suis fatiguée mais j’arrive à garder les yeux ouverts. Je vois une espèce de tube arriver à ma bouche. Par réflexe, je referme mes lèvres dessus et un peu d’eau arrive dans ma gorge desséchée, au compte-gouttes. Cela me fait du bien. Je me sens happée par le sommeil de nouveau.
*
J’émerge doucement. J’évite d’ouvrir les yeux pour appréhender la situation. La première chose dont je prends conscience, c’est d’une main dans la mienne. C’est réconfortant. Résumons : je sais toujours pas qui je suis, aucun souvenir, ma tête est vide. Beaucoup moins embrumée mais vide. Angelina, la jolie brunette m’a appelée Jordan. Soit. Je ne sais pas davantage qui elle est. Je ne sais même pas à quoi je ressemble. Mon corps ne semble pas très en forme mais pas très douloureux non plus, je dois être sous calmant, vu que je ne peux pas bouger. OK, ça, c’est le constat. Objectif : trouver des infos, retrouver l’usage de mon corps.
J’ouvre les yeux. La brunette est là, elle s’est assoupie dans un fauteuil. Sa main gauche dans ma main droite. Je suis quand même plus mobile. On semble proches vu qu’elle me tient la main mais je sais toujours pas qui elle est. Amie ? Sœur ? Ma mémoire s’est vraiment fait la malle, on dirait. Je devrais paniquer plus que ça, non ? C’est embêtant mais bon, pour l’instant, je gère. J’ai encore soif. Je jette un œil sur mon côté gauche : j’y découvre un meuble tablette avec un verre d’eau. Je lève péniblement mon bras droit pour tenter de l’attraper.
— Aïe !
Je suis arrêtée net par une douleur au niveau de mon avant-bras. Une perfusion ! Je relève la tête en quête d’une solution et je rencontre un regard bleu des mers du sud, interrogateur. Oups ! J’ai réveillé mon ange gardien."