"3 — Prisonnière
En intérieur, pièce sans lumière.
Je meurs de soif. Ça pulse dans mon crâne. Mes membres sont lourds. Je ne vois rien. Un bandeau ! J’amène péniblement ma main sur le tissu et le fais glisser. C’est glacial. Très sombre aussi. Nuit noire même, pour être exacte. Je suis où ? La panique m’envahit une fois de plus. Je ne suis pas une baroudeuse. Je veux mon petit confort, mon chez-moi. Les larmes me montent aux yeux et je ne peux les retenir. Allez, Anna, calme-toi ! Au moins, tu es vivante.
Comment suis-je arrivée là ? La soirée me revient rapidement en mémoire. Quelle malchance ! Où me séquestrent-ils ? Pour combien de temps ? Je ne suis pas attachée : c’est mauvais signe. Cela veut dire qu’ils ne craignent pas que je m’échappe. Que je n’ai aucune possibilité de retrouver ma vie ! Stop, Anna ! Pas de panique. C’est provisoire, ils vont venir te chercher. Pour me faire quoi ? Rien de bon, sans doute. Mais tout plutôt que cette solitude noire, glacée, humide ! Enfin… non quand même pas.
Et s’ils ne revenaient pas ? Je vais mourir ici, isolée, abandonnée pour quelque chose que je n’aurais pas dû voir. Mais je n’y suis pour rien moi ! Quelle injustice !
Comment trouver de l’eau ? Aucun bruit. Aucune odeur. Ni agréable, ni désagréable. Je suis seule. Inutile d’appeler. Et puis, signaler ma présence n’est pas forcément une bonne idée. On ne sait jamais. Pas attachée. Tes mains seront tes yeux ! Je commence à tâtonner tout autour de moi. Des draps ? Je sens un matelas dont je découvre les bords. Compte tenu de la taille, c’est un vrai lit… Je ne suis donc pas dans un cachot ? Une maison ? La petite flamme d’espoir ne résiste pas à ma déduction : sans doute une habitation abandonnée… Arrête de voir tout en noir. Cherche ! Quoi ? Je ne sais pas mais cherche ! À genoux devant la paroi, ma main a trouvé la tête de lit, puis le mur. Se pourrait-il que… ? Je m’agenouille face à ma découverte et je l’explore sur ma gauche. Elle est fraîche et irrégulière. Bingo ! L’interrupteur inonde la pièce d’une lumière aveuglante. J’ai à peine le loisir de protéger mes yeux que mon sang se glace dans mes veines :
— Alors, la belle au bois dormant ? Il était temps !
Tétanisée, je fixe le mur sans me retourner. Une voix féminine ! Une alliée ? Même pas en rêve : une colère froide est perceptible ! Lentement, je lui fais face, toujours à genoux. Par réflexe, je note au passage la pièce sombre, sans fenêtre, les parois de pierre, parcourues par un fil électrique… J’examine la jeune femme au bout du lit. Cheveux courts, blonde, droite comme un i, bras croisés, le regard noir, elle ne semble pas particulièrement accueillante. Ma gorge se serre et je couine un bonjour, d’une timidité à pleurer. Elle lève les yeux au ciel :
— Ben, non, c’est pas un bon jour, figure-toi !
— Euh… J’en suis désolée. Je peux faire quelque chose ?
J’ai l’impression que ses iris, couleur émeraude, vont me transpercer de part en part. Elle a vraiment l’air furieuse. Sa réponse électrise l’atmosphère :
— Disparaître et cesser de me pourrir la vie ?"
