Une tornade dans mon coeur - Roman lesbien

— C’est ton heure de gloire, ma chérie ! Tu vas tous les mettre dans ta poche. Je crois en toi.

Moi aussi, Maman, moi aussi. Ça m’empêche pas d’avoir la trouille ! La porte se referme derrière moi. Elyze me précède, après un coup d’œil dédaigneux. L’animateur nous emmène en coulisse, tout près de la scène :

— Il y a encore deux candidates à passer avant vous. Vous avez un écran pour les voir. Je reviendrai vous chercher.

Je n’ai pas le temps de protester qu’il a déjà disparu. Une rangée de sièges tombe à pic pour m’éloigner d’un regard venimeux. Je veux rester concentrée. La fille sur le moniteur a une jolie voix, elle paraît sympathique. Sa respiration n’est pas maîtrisée. Elle ne m’inquiète pas. Je ressens un pincement au cœur. Elle chante de toute son âme et elle va être dévastée de perdre… Pas de larmes, Louanne ! Ce n’est pas le moment. Sans l’imaginer une seconde, Elyze vient à mon secours :

— Je suis désolée. Vraiment.

Je cherche le piège quelques secondes. Se pourrait-il que je me sois trompée ?

— Pourquoi ?

— Cette pauvre gamine va avoir la désillusion de sa vie. Comme toi. Je vais vous défoncer. N’espère même pas ramasser des miettes.

Je pourrais presque en sourire. Pourtant, son regard, qui me jauge de haut en bas, me glace les sangs :

— Encore, elle a fait un effort vestimentaire même si c’est pas très réussi. Toi, avec ton look de petite fille sage, tu te crois à la kermesse de ton école ?

Je me retrouve dans une loge avec toutes les chanteuses. Elyze parade et les autres semblent vouloir s’attacher à son personnage. Pour récupérer un peu de lumière ? Profiter de sa future gloire ? Je réalise, un peu frustrée, que pour tout le monde, elle a déjà gagné. Je ne compte pas. M’ont-elles seulement écoutée ? Je ne crois pas. Elles auraient au moins un doute. Avec un soupir destiné à évacuer stress et déception, je jette un coup d’œil au reste de la salle. Dans un coin, une fille est assise, le visage caché par ses longs doigts de pianiste. Qui n’ont peut-être jamais touché un instrument de leur vie. Elle n’a pas l’air au mieux. Je m’approche et me pose à côté d’elle. Ses sanglots discrets m’interpellent. Comme elle ne réagit pas à ma présence, je tente de la réconforter. Une main dans son dos, je me sens un peu bête :

— Ça va ?

Elle relève la tête. Des larmes ont détruit son maquillage et perlent sur son visage. Elle ne réplique pas, la réponse est évidente.

— Rien n’est joué. Tu peux encore gagner.

D’un pauvre sourire, elle me remercie et essuie ses joues. Elle m’enlace un court instant. Pas trop tactile, je ne sais que faire. Le moment est cependant très fugace, elle a repris contenance :

— Tu es gentille. Je t’ai entendue. J’ai bien compris que je n’ai aucune probabilité de remporter la mise. Et puis, elle…

Ces mondanités vont me tuer. Toujours cette question lancinante : qu’est-ce que je fais là ? Encore la même réponse : Mike ! Il a réussi à me traîner jusqu’ici. Sous quel prétexte ? Je ne sais plus… Ah si ! Une bonne soirée ensemble aux frais de la princesse ! Sauf qu’il est submergé par les agents des chanteuses qui ont perdu et qui cherchent à décrocher un contrat. Il a déjà mon opinion : aucune d’elles n’en mérite un !

Il me trouve dure… C’est pourtant pour avoir mon avis qu’il m’a ramenée dans cet obscur festival, attiré par le vocable ronflant de « pépites ». On aurait eu plus de chances de dénicher de l’or dans la rivière voisine.

J’étouffe ! Le brouhaha, la chaleur, les simagrées me tapent sur les nerfs. Comment m’échapper discrètement ? Une porte-fenêtre opportunément entrouverte me tire un sourire mesquin. Alors que je me déplace pour atteindre mon Graal du moment, mon regard tombe sur deux candidates à l’écart. Je reconnais sans peine la jeune Louanne. Mes pas poursuivent leur chemin sans la moindre hésitation. Une adulte responsable se serait arrêtée pour la consoler un minimum, lui dire quelques mots d’encouragement. Eh bien, ce n’est pas moi. Définitivement.